Si on m’avait dit un jour que j’irais à Hong Kong, je ne l’aurais pas cru. Long voyage, destination lointaine et pourquoi Hong Kong alors que New York me venait tout de suite en tête ?
Je me souviens avoir affirmé, il y a plusieurs années, ne jamais pouvoir aller dans une grande ville en Asie après avoir admirer des images urbaines sur internet, et entendre mon interlocutrice me répondre, « et pourquoi non » ?
Paris-Hong Kong, c’est 12heures de vol, +7H00 de décalage horaire, un climat chaud humide et une superstition pour le chiffre 4 parce qu’il se prononce comme le mot « mort ». Il n’y a pas d’étages 4, ou finissant par le chiffre 4 dans l’ascenseur de l’hôtel. Ancienne colonie britannique, on y parle l’Anglais, le Cantonnais et le Mandarin. Hong Kong est internationale et les touristes asiatiques venus d’autres endroits en Asie viennent s’y promener. On branche ses appareils avec les prises britanniques et la monnaie est le dollars Hong Kongais. Cet ensemble d’îles au Sud de la Chine est presque un état à part entière, excepté qu’il est sous autorité administrative de la République Populaire de Chine. Dehors, il fait 31°C avec un ressenti de 41°C. La ville propose des lignes de métros climatisés ultra conforts (et d’une propreté immaculée !), mais aussi des bus et des trolleys bus à étage (vestiges du colonialisme britannique) et enfin une compagnie de Ferrys. Il y a tout ce qu’il faut pour manger, dormir et se promener. Tout est pensé pour le bien être, pour entretenir le tourisme, les affaires internationales et pour garder un espace civique décent à chacun (par exemple, dans un parc, vous trouverez des zones fumeurs, de nombreux bancs pour se reposer, des toilettes publiques hyper nettoyés et du matériel pour l’hygiène très élaboré).
L’architecture n’a rien à envier à celle de New York. Les gratte-ciels contemporains ultra sophistiqués et technologiques s’imbriquent avec les échafaudages faits de tronçons de bambous, des bâtiments à peu d’étages en mauvais état, les anciennes villas coloniales britanniques et les temples traditionnels bouddhistes ou taoïstes. Les tours d’immeubles en dehors de la ville, montrent des appartements minuscules. La société Hong Kongaise a également ses inégalités.
Le voyage d’à peine 6 jours a donné un aperçu du quartier Times Square Hong Kongais d’où son surnom le « New York de l’Asie ». La ville se veut la destination phare pour les affaires internationales et le tourisme au même titre que la ville de NEW YORK aux États-Unis. Notre trajet de l’aéroport international à Causeway Bay (Times Square) nous a offert des vues sublimes en guise de premières impressions sur les environs avant d’arriver au centre. Train avec moquette, et air climatisé, nous avons glissé au travers des étendus d’eau de mer et les montagnes environnantes. J’associais ces paysages aux contemplations méditatives bouddhistes ou taoistes. Ce sentiment de quiétude m’a accompagné pendant tout le séjour en présence du calme et de la maîtrise des Hong Kongais dans les lieux publics. Pas de crises de nerfs, pas de bousculades ni d’incartades. La distance sociale et la pudeur se mêlaient avec la curiosité en cachette pour mon compagnon d’origine africaine. Nous surprenions des regards se détournant par pudeur et aussi beaucoup de sourires. Les rencontres et expériences se sont faites en partie grâce aux repas que nous prenions et aux directions que nous demandions dans les rues.
Avant de partir, j’avais réfléchi à ce que Hong Kong pouvait évoquer en termes de référence culturelle : Le cinéma de Bruce Lee, l’ouverture sur l’international avec l’entrée du port, la tradition du Kung Fu et de la méditation, la maîtrise de soi et le bien-être de son corps. L’acculturation, cette adaptation très personnelle de celui ou celle ayant une double culture : celle de sa famille et celle d’un pays d’adoption tel que l’acteur l’a vécu entre les Etats-Unis et Hong Kong. Bruce Lee a bien sûr ouvert les portes du cinéma Hong Kongais et a surtout fait connaître le Kung Fu et les films de combats. Toute une exposition très complète lui est dédiée :
https://www.hkhmbrucelee2021.com/en/home/ retraçant tout le parcours de l’homme et de ses innovations.
On apprend que ce n’était pas seulement un combattant de Kung Fu mais avant tout et pour tout un innovateur qui a pensé et inventé un autre art martial (JEET KUNE DO), une pensée philosophique entre tradition et adaptation individuelle, une spiritualité et une performance, un danseur de cha-cha talentueux et un cinéaste faisant ses propres films. L’homme bouscule l’ordre de la tradition pour innover et reste très ancré dans les bienfaits de sa culture asiatique tout en combattant les inégalités sociales. La justice est là pour redonner dignité aux opprimés et aux plus vulnérables sous autorité des tyranniques, et donner réparations après crimes. Bruce Lee est un héros et une statue et un chemin lui sont dédiés.
J’ai donc lu sur Bruce Lee (Bruce Lee, gladiateur chinois de Adrien Gombeaud aux éditions Capricci) mais je n’ai pas accumulé les lectures, les films et les vidéos explicatives. C’était ce que l’homme symbolisait et ce qui faisait échos à la ville elle-même qui m’intéressait. Devenir une spécialiste de l’art martial, du cinéma Hong Kongais n’était pas le but. Je partais pour appréhender une ville, une culture et y faire mes propres associations. En plus du calme environnant, c’est véritablement le port aux parfums. On y hume l’air marin et des parfums discrets de nature, de produits d’entretiens, de personnes parfumées et d’encens selon ses déplacements. Ces délicatesses font échos aux innombrables boutiques de remèdes chinois et surtout une relation particulière au corps. Le corps de Bruce Lee devenait la symbolique de la ville de Hong Kong : structurée, rapide et précise, légère et conséquente.
Entre un temple traditionnel et la promenade sur l’Avenue des Stars, les baskets des HongKongais ne m’ont pas échappées non plus. Tout le monde porte la paire de chaussures confortables et le téléphone dans une main quel que soit l’âge. Ouverture sur les produits mondiaux, fashion victims mais la nourriture, la prière et les croyances restent la base d’un mode de vie. Bien sûr, les Mac Donalds sont là, bien sûr que les clients sont dans des restaurants français, italiens et mangent des sushis aussi. Mais tout ceci passe au second plan. C’est la culture, tout comme mon café le matin, mais on sent une assimilation des nouveautés et des inspirations pour mieux améliorer une philosophie de vie et une perception du corps, des finances et du quotidien ancestrales et inébranlables. Un rapport pudique au corps, un civisme discipliné et un bon équilibre par une alimentation variée.
The Bruce Lee Way, plaque près de la statue en bronze représentant l’acteur, propose un chemin de promenade avec des lieux fréquentés par le maître. The Bruce Lee Way, je l’ai lu surtout comme la méthode Bruce Lee, comme la philosophie individuelle d’un homme composant librement avec ses enseignements et ses combats. Une invitation à composer selon ses propres besoins, gagner en confiance en soi et commencer par respecter sa propre nature. Ne pas hésiter à combiner, moderne, contemporain et traditionnel ancestral tout comme le propose la ville pour chaque visiteur. Une ouverture d’esprit, de pratiques avec pour foi le respect de ses propres facultés physiques et morales, capacités et limites pour une maîtrise de soi et un recentrement afin d’accueillir le monde.
Tout voyage implique de quitter pour mieux revenir. J’ai quitté le stress pour revenir calme et recentrée. Détendue, alors que j’ai fait un trajet de 12heures à chaque fois et que m’endormir pendant le séjour n’était pas avant 02h00, 03h00 du matin heure locale. Cela impliquait, de m’endormir de nouveau après le petit-déjeuner et ressortir vers 14h00. Toute cette adaptation aurait pu être pénible et ajouter en fatigue. Le mode de vie propice au calme, à la réserve et à la concentration m’a fortifiée et renforcée dans une acceptance, « un lâcher prise » pour ne voir que l’essentiel. Un changement de perspectives nécessaire. Une différence entre la fatigue morale et la fatigue physique. C’était un réel bien-être propice à revenir avec concentration et un peu plus d’objectivité.
Gaël Cadiou
Le 18/07/2024