GAULOISE BRUNE SANS FILTRE
À 16 ans je décide de me raser les cheveux et d’en garder 1 centimètre. Je porte des Doc Martens, une veste seventies et m’habille en noir avec du eyeliner noir autour des yeux. Je passe mon temps libre à écouter du punk dans ma chambre, lire les romans de Stephen King et je dessine. Le salon est imprégné du tabac brun que mon père fume et la télévision est souvent allumée. Mon prénom s’écrit avec l’orthographe masculine, il manque le « le » pour faire Gaëlle.
Je décide de m’exprimer avec les vêtements. Je cherche à faire des tenues avec des récupérations que j’achète au poids et je les combine. Je ne cherche pas encore à être féminine, je pense à « être originale ». J’associe mes envies de looks à la musique que j’écoute et encore maintenant, je ne peux pas penser habillage sans expression de soi, sans musique ni art. C’est un ensemble de plein d’éléments, motivé par l’habitude de penser et d’apprendre par soi même. Je passe mon temps à marcher dans la rue, m’asseoir au café et être dans les magasins pour observer et me stimuler. J’y écoute la musique, regarde les autres choisir leurs vêtements et leurs chaussures comme une seconde peau comme la peau psychique que l’on arrive à former pendant le travail en analyse, sur le divan. Quelque chose d’enveloppant et de protecteur capable de traduire et laisser transparaître les émotions, les idées et les opinions.
La provocation est quelques chose que je cultive mais pas de façon évidente et pleinement affichée. J’ai évolué vers quelque chose qui serait un mélange de commun ou plutôt d’un aspect « comme tout le monde », classique et pratique avec des détails un peu rock/punk. Le sobre et le réfléchi pour pouvoir vraiment parler et renverser le rôle que je donnais à mes vêtements avant : un substitut à mon sentiment d’insécurité et ma timidité. J’ai finalement adopté les talons et les cheveux longs parce que c’est là que j’exprime le mieux ma féminité. Commencer à chercher des tenues et faire des associations de vêtements était une façon de me poser la question d’un équilibre masculin/féminin. J’aimais brouiller les deux et j’arrivais naturellement vers des tenues de clowns en piste. Je ferais toujours avec les courriers au nom de monsieur et devrais toujours donner l’explication que mon père a décidé de me donner, Gaël sans deux LLE est l’orthographe en Breton. Ce qui n’est plus une gêne à présent mais quelque chose qui ne me m’appartient pas.
Ce qui m’appartient est un goût pour la rigueur et la discipline, quitte à paraître raide, parce que je suis tellement anarchique dans mes émotions et mes pensées que la tension entre les deux est un fil rouge à tout ce que je peux faire. Discipline et Anarchie, Rigueur et Dissipation, bureau rangé et écrire au lit, Contrôle et Émotions, pantalons et talons, militaire et punk, l’uniforme déboutonné, la culture du paradoxe. Mon placard est devenu comme mon logiciel de montage et en réalité, je ne peux pas faire un montage pour une vidéo sans penser à des chaussures ou des vêtements car c’est comme ça que je ressens le plaisir de créer et d’exprimer. Portes ouvertes, c’est rangé par saisons, par tenue car il m’est impossible de réfléchir le matin à ce que je vais mettre par faute de temps. Je choisis la tenue la veille, en fonction de ce que j’ai envie de vivre le lendemain.
J’ai aimé porter des pantalons tailles hautes et jambes larges façon samouraï avec des cabans et j’aime le confort des tenues de sport. J’adorerais un smoking/jogging, une robe de chambre/manteau et combinaison/pyjama intégrée, la coupe parfaite d’une chemise/robe et une combinaison/tailleur permettant de marcher vite. J’aime l’uniforme porté avec un parfum subtil de cuir, de rose de damas et… de tabac.
Gaël Cadiou