Gaël Cadiou

TEXTE

Mes images ne sont pas des mots et pourtant mise en relation pour le montage d’une vidéo ou sur les murs d’une galerie, elles suggèrent des intentions. Elles sont ouvertes comme des fenêtres sur le monde et en même temps reflètent les projections des autres.

En faisant des séries de photos, je trouvais que le résultat ne suffisait pas. Je voulais que les images sortent d’un seul thème, suggèrent différentes préoccupations. J’ai commencé à les associer à l’aide du montage. J’aimais la subtilité de deux images associées donnant une autre image, une idée. Ce n’était plus l’image photographique apparaissant dans son bain de révélateur, mais l’image, l’idée se révélant comme une prise de conscience. Ce sont des rapprochements libres, comme des associations libres. Elles ne racontent donc rien de particulier mais renvoient à nos propres histoires et nos propres désirs parfois créant la frustration chez ceux qui y cherchent une narration. L‘histoire s’écrit à l’intérieur de soi, comme devant une peinture. C’est donc un choix délibéré de ne pas écrire d’histoire avec des personnages de fiction. J’aimerais susciter, inciter le sentiment de beauté chez le regardeur, le charme de ce qui nous entoure au quotidien.

Ces images ne sont pas issues d’un désir de faire du cinéma, ni de la littérature mais des désirs de spectatrice. Elles restent des images montrées, montées ensembles et publiées sur internet. Longtemps spectatrice, j’ai enregistré, souhaité en silence pour maintenant traduire mon amour du quotidien et les réalités que j’y trouve. Je cherche à faire écho avec le monde. J’essaie d’avoir des cadrages choisissant la complexité : même une fleur poussant sur le bord d’un trottoir est déjà une vue complexe du monde (l’urbain, la vie en ville, la nature en ville, comment faire son chemin et s’épanouir et encore bien d’autres lectures possibles, tout dépend du symbolique que chacun y met). Il y a déjà beaucoup d’éléments à prendre en compte.

Je donne à voir des images sur l’amour qui j’espère permettent d’y voir un peu en soi et inciteraient à considérer sa propre relation au monde. Comme un bateau, on s’y embarque ou pas, on choisit sa position, son orientation tout dépend de l’expérience de chacun. Toutes ses vues entrent en résonance avec l’indicible en chacun de nous.

Comme tous les éléments d’une conversation avec quelqu’un : les regards, les expressions de visages, les gestes, les mots donnés, il reste toujours cette part d’indicible. Reste à chacun d’y mettre ou pas du sien et d’y cultiver sa part. Dire tout en racontant une histoire précise avec des personnages annulerait les déambulations dans nos imaginaires en lien avec nos jardins secrets, les libertés de pensés et les histoires d’amour avec nos propres mémoires. Ce n’est pas un manque de considération de ma part pour le spectateur, c’est une invitation à la rêverie et au voyage imaginaire. Enlever la narration pour laisser davantage l’espace à l’imagination.

L’installation d’écrans flottants et de projections aux murs, ainsi que d’images imprimées sur papier canson sont des moyens de composer l’espace en plusieurs zones. Chacun est libre d’y déambuler comme il veut, choisissant son propre parcours et de créer du lien avec ce que les images lui rappellent. Déambuler, rêver, regarder les choses et considérer leur côté poétique.

Tout est affaire d’indicible dans le visuel parce que c’est d’abord en soi. Faut-il toujours devoir le dire ? Ou peut-on également les suggérer dans des traces, comme des traits de lumières impressionnistes ou bien des carrosseries comprimées et encore bien d’autres formes en accord avec nos pulsions et sentiments ?

Pour mes publications sur internet, j’utilise le texte et les titres avec une suite d’images afin de créer une image mentale en plus du visuel. C’est une façon de prolonger le montage. Par exemple l’image publiée d’un nuage dans le ciel bleu associé au mot « enfance » aurait peut-être la capacité d’évoquer, quelque chose en chacun de nous.

 

SEXE

Faut-il toujours le montrer de façon évidente ? Quel rapport avec mes images ? Le désir omniprésent. Je ne peux pas faire d’image sans désir et penser séduction ou bien s’il me manque ce désir, les images me semblent tristes. C’est le vide. Est-ce que désir et sexe peuvent être montrés sans le sexy et le glamour (que j’aime aussi) et peuvent être évoqués plutôt que montrés littéralement ?

Je trouve dans la pudeur la forme poétique de l’amour, pas seulement l’intimité physique mais aussi la relation et toute sa complexité (ce qui ne veut pas dire compliqué).

Alors entre désirer, vouloir aimer et montrer des éléments d’une vie urbaine à Paris (ville de l’amour), le travail consiste à faire émerger cette vision poétique qui inclurait l’amour dans toute sa complexité ; NOUS, (le couple, la famille, la nature, la consommation, l’habitation, les conditions climatiques, tout ce qui peut faire communauté et bien être, tout ce qui peut changer et être amélioré (avez-vous déjà vu les détritus place Saint-Michel un dimanche matin, après la fièvre du samedi soir ?). J’ai choisi Paris parce cette ville me permet d’y inclure également le symbolique de l’art, du romantisme, un dialogue passé/présent et un lien vers l’international. Une vision contemporaine en m’efforçant de trouver l’équilibre entre cadrer une chose simple et suggérer toutes les évocations auxquelles cette chose renvoient grâce au montage.

Je n’y trouve que amour de la vie.

Gaël

WALKING LIKE GROUCHO
GAULOISE BRUNE SANS FILTRE