Gaël Cadiou

La communauté des images

« La communauté des images »

A l’ère des filtres visuels informatiques esthétisants qui normalisent le langage des blogs et des réseaux sociaux, les images de Gaël Cadiou affichent, avec une tranquille assurance, un langage sans effet d’une transparente exigence.

Pour cette jeune blogueuse le style d’une photographie ou d’une vidéo qu’elle pratique conjointement, réside paradoxalement dans l’effacement de ses marques de style.

Fortement influencée par l’ « écriture blanche » en littérature et le cinéma underground américain, elle propose à l’internaute des séquences fixes et en mouvement.

Ses images sont dans les deux cas traversées par le même souci de réunir une « communauté d’images » à laquelle chacun puisse s’identifier et projeter ses propres images mentales subjectives. Pour cette raison, dans une pratique qu’elle veut «en étoile», elle a exposé ses images sur des calques suspendus au milieu desquels était invité à déambuler le spectateur et imaginer ses propres hors-champs ou hors-cadres.

Le blog, moyen d’expression si spontané et si facile à mettre en œuvre doit être compris comme le pendant technologique actuel de cette culture alternative des années 1970 qui vit l’éclosion des fanzines punk et de toute une presse photographique dont elle se revendique. « Il y a aussi la musique punk et tout le côté autonomie, apprendre par soi-même et s’éduquer se cultiver soi-même. Les principes d’anarchie de Paul Valéry forment un texte formulant au plus près mes croyances. » confie-t-elle.

Gaël Cadiou refuse d’utiliser du matériel dit «professionnel» lui préférant simplement    son smartphone pour les photos et les vidéos. Elle utilise aussi parfois le « bloggie » de Sony un appareil de poche permettant de faire les photos et les vidéos très facilement et de les publier directement sur son blog ou les réseaux sociaux.

Elle aime aussi les appareils argentiques-jouets tels qu’en propose la Lomographie dont elle aime le rendu aléatoire.

Nullement élitiste, l’artiste confie non sans humour aimer beaucoup des séries télévisées aussi populaires que Macgyver et Dr House par exemple, rendant hommage, avec malice à leur capacité à « [bosser] dur pour comprendre les situations et trouver des solutions ».

Adepte du « surbanalisme »  cher à Bernard Plossu, l’artiste confie que « George Perec et Emmanuel Hocquard ont été [aussi] mes inspirations pour partir de l’idée que les lieux communs (les mots, les images) pouvaient faire l’objet de rythme. »

C’est en effet dans l’apparente banalité des situations que ses images trouvent leur troublante universalité.

Polyglotte, l’artiste qui a grandi dans un quartier populaire et cosmopolite du Havre, est particulièrement attachée à l’idée d’un échange humaniste entre différents milieux sociaux, confie volontiers être favorable à un métissage culturel vivifiant. Son attachement à l’Afrique et son souci d’une meilleure compréhension entre communautés est une clé importante de compréhension de son travail.

La méditation joue aussi un rôle important dans sa démarche. A propos de cette conscience dite de « plein éveil », elle confie    : « L’instant décisif devient l’instant présent. La beauté est dans le présent. »

La pratique de l’autoportrait, ça et là, au milieu des séquences, est un moyen de dire « je ». D’affirmer en toute simplicité et comme une lumineuse évidence la marque d’auteur.

Yannick Vigouroux

NDA    : les citations entre guillemets sont extraites de l’entretien avec l’auteur publié dans www.lacritique.org

“The image community”

Her work can be deceptively simple – an image, a title, a frame and the viewer is left alone to explore, to inquire, to discern: why does she want me to see this?

Gaël Cadiou does not propose a message but an opportunity. She offers views of people, places or objects easily dismissed in a glance which she has studied and now arranged to evaluate, to ponder.

“While taking a series of photos, I found that the result was not enough. I wanted the images to come out of a single theme, to suggest different concerns. I started to associate them with the help of the montage. I liked the subtlety of two associated images creating another image, an idea.”

It’s marvelous; the experience becomes one of discovery.

At times the images seem so arbitrary, and spontaneous that they almost collide: Does she mean to connect a dribble of paint, a blurred cityscape, plastic covering construction dust and a jumbled pile of rugs? Is it a eulogy or a celebration?

She will compare the shape of a couch with the twist of a cloud; a billboard in the Metro with a lonely soul by the Seine. She creates a  “community of images,” as she describes it, designed to elicit a deeper response.

She grew up in Le Havre, in Normandy, France. A city where Multi-racial, multi-ethnic, multi-lingual; white working class and African immigrant families live altogether. All around her were disparate groups struggling to create bridges between one another. Understanding and reconciliation between different social groups energized her work. Her aesthetic ultimately shaped as much by international politics as by her grandmother from Bretagne, France.

“I show images of love which I hope…would encourage us to consider our own relationship to the world.”

Gaël began challenging conventions as a restless autodidact at the Beaux Arts. She was discovering the works of Georges Perec, Emmanuel Hocquard and the photographer Bernard Plossu who inspired her to incorporate “the overbanal” into her work. It was their ability to weave complex ideas into seemingly uncomplicated works that fuels her art.

At school, she showed her images projected on tracing paper, suspended from the ceiling, inviting visitors to wander through the gallery and create their own, unique “ballad.”

But as strong as the pull of the French « White Littérature » Writers” school so are American underground filmmakers like Warhol and Jonas Mekas, as well as American tv shows like MACGYVER and  DR HOUSE; characters she admires for their “problem solving” abilities, “finding solutions where no one could do anything.”

But perhaps it is in Paul Valery in “The Principles of Pure and Applied Anarchy,” that her soul may be found.

Gaël works very simply without filters and software. At a time when the hard drive has become the artist’s atelier, and photoshop has replaced training and technique, she is dedicated to presenting unfiltered “unadulterated” images. Like Plossu who uses only one lens, Gaël’s tools may be her phone, a clunky Russian camera, or a sleek new digital device; whatever is available to capture that vision. What is important, she will quote a photojournalist friend, is “not the lens but the eye behind it.”

David Turecamo

Photos faites au téléphone : « La communauté des images ».

L’image-montage = ma belle obsession.

En diptyque ou en pleine page, l’association des choses nous racontent et fait émerger nos préoccupations contemporaines. Bienvenus dans les lieux communs, le non – spectaculaire possible grâce à mon téléphone.

Les diptyques, les suites d’images et les titres guident vers une idée, une pensée pour aujourd’hui et invite chacun à venir s’y projeter. L’image sert de narration à l’histoire personnelle de chacun : une chaise, un bassin, des langoustines et d’autres choses encore qui ne demandent qu’à être habitées par le regard. Autant d’invitation à une poésie visuelle urbaine et une déambulation parmi les pages. Lire un livre d’images.

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